La remplaçante
- Je me fiche qu’elle soit gentille ou pas. Moi
je veux y aller avec ma sœur pas avec la remplaçante de ma sœur !
Je n’avais jamais remarqué que cela pouvait
poser problème à ma mère… J’ai toujours vu ça comme étant normal… A vrai dire,
ma tante, je ne sais pas qui sait. Je ne me souviens pas d’elle, ni d’elle, ni
de son visage, ni de son odeur… J’en suis triste, tout ce que j’ai pu entendre
dire sur elle, ce n’était que de bonnes paroles, quand je pense à tout ce qu’on
m’a dit sur elle, je comprends qu’elle était la plus gentille de ses sœurs et
sans doute la plus libérale… Ma mère pleure, elle pleure au moins tous les ans,
lorsqu’elle se retrouve avec ses sœurs. Une fois je l’ai entendue dire qu’après
la mort de sa sœur, elle n’a plus connu le bonheur et n’a jamais su ce que
c’était… En entendant ça, je me sentais trahie… Alors toutes les fois où ma
mère a sourit et rit… Tous ces moments… Ce n’était que mensonge ? Mon père
ne lui fait pas connaître le bonheur ? Elle n’est pas heureuse avec nous ?
En y repensant, j’ai encore du mal… Parce que moi, je m’efforce de la rendre
heureuse, même si je ne suis peut être pas si douée que ça. C’est vrai que je
suis plutôt pénible, mais n’a-t-elle pas été heureuse lorsque j’ai eu mon bac
avec mention bien ? Est-ce que ma mère est fausse ? Est-ce qu’elle se
cache de nous comme elle se cache des autres ? J’ai toujours sentie que ma
mère se protégeais de nous, ne serait-ce que pour paraître forte. Même si je
sais que ma mère a ses faiblesse, j’aspire un grand respect pour elle. Ou
aspirait… Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle est forte, qu’elle peut
dépasser de grandes épreuves… Peut-on vivre sans bonheur pendant une quinzaine
d’année ?
- Pourquoi ça te dérange qu’elle vienne ?
- Parce que ! Je veux y aller avec une de
mes sœurs.
- Mais c’est bon, elle est gentille…
- Je me fiche qu’elle soit gentille ou pas. Moi
je veux y aller avec ma sœur pas avec la remplaçante de ma sœur !
Ces yeux luisaient. Elle ne pleurait pas,
mais je voyais que ça lui faisait mal. Je n’avait jamais pensé qu’en voyant la
femme qu’avait épousé l’ex mari de ma tante, ma mère se rappelait que sa sœur était
morte, enterrée à jamais, sans même la possibilité de la voir… De lui parler de
nouveau… Mais cette phrase m’avait remis les pieds sur terre. Ma mère aimait sa
sœur, et lorsqu’elle a succombé à son cancer du sein, c’est toute la famille
qui en a souffert. Je n’avais pas réalisé que cette gentille femme pouvait
représenter un mal pour ma mère… Ma mère à moi.
Est-ce que tu es malheureuse maman ?
Est-ce qu’on arrivera un jour à te faire
oublier ta peine ?
Maman… Pourquoi ne connais-tu plus le
bonheur ?